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Le domaine des marchés publics, s’il est bien organisé, peut conduire à un développement durable. Cependant, dans certains pays africains, le niveau de transparence nécessaire pour y arriver est souvent dégradé par la corruption. Ce, surtout que le domaine engage des sommes colossales d’argent. La triste réalité a été soulevée lors du 15ème forum des responsables d’agences de régulation des marchés publics de l’Afrique de l’Est, tenu à Bujumbura [Burundi] du 4 au 6 décembre 2023. Ceux-ci regrettent que les pays de l’EAC (East African Community) ne soient pas épargnés. Ils mettent en avant la «transparence» comme seul moyen d’asseoir un développement socio-économique de leurs pays





Partout dans le monde, la « gouvernance économique » est l'un des piliers de toute politique de développement.
Celle-ci est avancée dans les pays occidentaux qu'africains. C'est la raison pour laquelle ces pays africains, surtout ceux de l'Afrique de l'Est, essaient toujours d'améliorer leur système de passation de marchés publics. Mais pour y arriver, ils doivent éviter tout comportement pouvant perturber les procédures. Le ministre burundais des finances, Audace Niyonzima, l'a dit dans son discours d'ouverture du forum :
« Je souhaite que toute personne responsable des marchés publics ici présente moi y compris sente quelle est interpellée à être intégrer et sonde en s'abstenant de toute conduite de nature à faire perdre la confiance dans les marchés publics », indique-t-il

L'autorité ajoute qu'il faut renoncer à toute forme de détournement des deniers publics, la corruption et d'autres comportements assimilés pour améliorer le processus des marchés publics.

Pays de l'EAC à court de moyens

Certains pays de l'Afrique de l'Est se disent en manque de moyens suffisants pour mettre en application, à 100 pour 100, la législation des marchés publics. C'est le cas du Burundi. Jean Claude Nduwimana, Directeur général de l'Agence de régulation des marchés publics au Burundi affirme que son pays est confronté à de nombreux défis. Par exemple : l'insuffisance de ressources humaines, manque de moyens matériels, insuffisance de séances de renforcement des capacités du personnel de l'ARMP, etc. Il précise que le Burundi ne dispose pas de centre de formation reconnu ou une Université pouvant s' occuper des enseignements relatifs à la passation des marchés publics.

Il faut changer de mentalité

Libérat Mfumukeko chargé de missions à la présidence de la république du Burundi regrette que la corruption reste une réalité dans les pays de l'Afrique de l'Est, dans les marchés publics. Ce, malgré les efforts consentis par les Etats membres afin de promouvoir la transparence. Il trouve que les mauvaises pratiques dans les marchés publics sont dues à la non maîtrise de la loi . Pour lui, le renforcement des capacités des autorités contractantes des marchés publics est crucial.

Mfumukeko évoque aussi la nécessité de prise de conscience, le respect de l'éthique et la déontologie. « Dans la plupart des cas, la corruption dans les marchés publics implique la complicité des autorités hiérarchiques » , révèle-t-il. Selon cet ancien Secrétaire Général de la Communauté d'Afrique de l'Est, les acteurs du processus de la passation des marchés publics doivent être intégrés, des personnes faisant preuve d'éthique et se conforme aux valeurs morales surtout d'honnêteté et de professionnalisme. . .

Structure renforcée

Pour Youssouf Farajallah, consultant indépendant, un pays qui veut éradiquer toute la corruption doit absolument mettre en place une structure renforcée et des lois sévères.   « Un pays, c'est l'ensemble des textes qu'il met en place. Les lois c'est un outil lorsque vous voulez construire un pays » , précise-t-il. Youssouf souligne qu'il faut en outre veiller à ce que cette structure et ces lois soient appliquées à tout le monde de la même façon, sans exception. Il fait savoir que si on élabore des textes, mieux serait d'impliquer tous les acteurs : entreprises, autorité des régulations, décideurs, ... Le condensé de leurs idées permettra d'avoir une meilleure formulation des textes. «  Plus le texte est clair plus il est adoptable et adaptable », souligne-t-il .

Sénégal, un bon maître



Au Sénégal, le cadre des marchés publics a été modifié en 2008. De nouvelles règles et directives ont été posées. Saër Niang, Directeur général de l'Autorité de régulation des marchés publics au Sénégal indique qu'on a vite mis en place un nouveau système de commande publique qui repose sur trois piliers . Primo, ils ont développé le savoir-faire. Ils ont mis en place un centre de formation pour avoir des gens compétents et qui comprennent les procédures de passation des marchés publics. Deuxièmement, ils ont assuré l'indépendance de l'institution de régulation des marchés publics. Une institution qui, sur le plan décisionnel prend des décisions sans qu'il y ait l'ingérence de l'autorité hiérarchique. Tertio, le Sénégal a plus que jamais renforcé la modernisation du système de passation des marchés. «On a élaboré un code de marchés publics où on essaie d'anéantir la notion de confidentielle», déclare Saër Niang .

En fait, au début de l'année, toutes les autorités contractantes font un plan de passation où elles écoutent l'ensemble des marchés qu'ils ont l'ambition de lancer au cours de l'année. Ils les publient. 

«Aujourd'hui si vous allez au Sénégal et si vous êtes une entreprise qui veut soumissionner dans les marchés publics, vous cliquez sur le site web et vous avez tous les marchés qui sont programmés au cours de l'année», explique le Directeur général . Saër Niang . Lorsque le marché est lancé, précisez-t-il, le dossier d'appel d'offre est publié. Les attributaires sont redevables . Chaque année, sur base d'un échantillon représentatif, les responsables habilités examinent les marchés engagés et procèdent à un audit. Objectif, s'assurer qu'il n'y a pas eu de fraudes. Et les rapports ne sont pas transmis aux autorités en cachette. « Avant d'être transmis aux autorités, ils sont publiés et présentés devant la presse » . Cela a permis, selon Niang, d'assainir l'environnement des marchés publics où plus de 85% des marchés sont passés par appel d'offre ouvert. «Tout le monde sait qui a gagné le marché, à quel montant il a été attribué», rassure-t-il.

Le Sénégal privilégie enfin la place des entreprises nationales dans les marchés. Saër Niang, Directeur général de l'Agence de régulation des marchés publics, indique que cette décision a été prise après avoir constaté qu'à un moment donné, les marchés les plus importants étaient gagnés par des entreprises étrangères. La part des entreprises nationales était inférieure à 50 %. « On a décidé qu'une entreprise étrangère ne peut soumissionner que lorsque la prestation peut être réalisée par les entreprises nationales. »

Le Sénégal servira-t-il de leçons ?

Au cours du 14 ème forum des responsables des Agences de régulation des marchés publics qui s'est tenu à Kampala (Ouganda), les participants ont beaucoup insisté sur la modernisation du système de passation des marchés publics. La numérisation. Au Burundi par exemple, Jean Claude Nduwimana, Directeur général de l'Agence de régulation des marchés publics, fait savoir que la plateforme-forme de passation des marchés publics en ligne sera fonctionnelle en 2024.

«Nous espérons qu'avec le début de l'exercice suivant, la plateforme de passion des marchés publics en ligne sera fonctionnelle. En ce moment, nous sommes en train de tester les fonctionnalités » , rassurez-t-il. On se souviendra que c'est le Sénégal qui a aidé le Burundi à mettre en place l'Agence de régulation des marchés publics. C'était en 2008.

Au niveau du code de la passation des marchés publics, il est prévu la publication des résultats pour savoir quels sont les attributaires des marchés publics. Mais la disposition n'est pas du tout enregistrée.

« La disposition n'est pas respectée par les autorités contractantes. Mais en mettant en place une plaque-forme électronique on va essayer d'étaler les données des marchés publics car ceux-ci ne sont pas confidentiels. Ce sont des données publiques », précise Jean Claude Nduwimana.

Notons que les marchés publics représentent de véritables enjeux économiques et financiers. Au Burundi, une part importante du budget de l'Etat fait l'objet de passation de marchés chaque année.
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