Les déchets sont partout. Ils sont jetés dans la nature, en ville, dans les rivières, dans les montagnes et sur les plages. Ils s'accumulent dans certains lieux pour finir dans les dépotoirs sauvages souillant ainsi les champs, les forêts et les paysages. Dans ces dépotoirs clandestins, on y répertorie des canettes, des bouteilles en verre ou en plastiques, des déchets ménagers, des préservatifs, des produits médicaux, des appareils électroménagers hors d'usage, etc.
Se promener au milieu des déchets est devenu tellement commun que cela ne nous choque même plus. A la limite, les habitués à vivre dans de telles conditions insalubres, certains jetteront instinctivement leur canette, leur mouchoir ou leur chewing-gum, toutes sortes de déchets au sol.
Pierre Nduwayo, Président de l'Abuco TI Burundi déplore que beaucoup de déchets plastiques s'observent partout dans les caniveaux et dans la nature. « Les gens les jettent partout où ils veulent au vu et au su de tout le monde. C'est devenu une habitude pour la plupart des habitants de la municipalité de Bujumbura. Quand il pleut, leur destination finale est notre réservoir d'eau douce le lac Tanganyika et ses affluents ». Il précise que les choses sont ainsi au moment où plus de 90% des citadins consomment de l'eau qui provient du lac Tanganyika.
Le président de l'ABUCO rappelle qu'en 2018, le président burundais a décrété une loi interdisant la fabrication, l'importation, le stockage, la vente et l'utilisation de tous les sachets et d'autres emballages en plastique. Il déplore cependant que ces sachets restent dans le quotidien des burundais. De surcroit, il demande aux entreprises qui utilisent les bouteilles en plastique comme emballage de penser à les récupérer pour les recycleurs et faire des déchets plastiques un atout au lieu d'un défi.
M. Nduwayo remercie certaines sociétés qui produisent les pavés et les carreaux à partir des déchets plastiques car cela rentre dans l'économie circulaire. Et parmi lesquelles, la société Kinju. Emmanel Simbavimbere travaillant dans cette société de fabrication de l'eau minérale précise que dans le cadre d'une économie circulaire, la société met en œuvre un projet de valorisation de ses plastiques par la fabrication des pavées. De plus, la société compte distribue des poubelles dans les bars-restaurants. Ces poubelles accueilleront les bouteilles en plastique avant leur recyclage. Pour gagner ce pari, M. Simbavimbere demande au ministère du commerce d'appuyer ce projet pour qu'au lieu de ramasser les bouteilles dans les caniveaux, sur les ramasses dans les poubelles.
Déogratias Nahumuremyi, directeur du développement
industriel au ministère du Commerce, de l’Industrie et du Tourisme fait savoir
que l’organisation de l’atelier coïncide avec la volonté du gouvernement qui
rêve de voir les villes et les quartiers du Burundi dépourvus de déchets. Et,
pour y parvenir, le gouvernement a signé un décret interdisant la fabrication,
l’importation et la commercialisation des sachets en plastiques. Il ajoute que
dans le même ordre d’idées, le ministère du commerce, de l’Industrie et du
Commerce met, depuis cette année, en œuvre un projet de renforcement des
capacités en gestion des produits chimiques dans le cadre d’une économie
circulaire.
M.Nahumuremyi salue les efforts de l’ABUCO qui emboîte le pas au gouvernement dans sa vison pays émergent en 2040 et pays développé en 20260. Il révèle d’ailleurs que le ministère appuie tout acteur du développement durable car il contribue à la réalisation de la vision du gouvernement.
Les
déchets en plastiques, un danger pour la santé et l’environnement
Selon Barnabé
Ndayikeza, expert en communication environnemental, depuis des années, la ville
de Bujumbura connaît de sérieux problèmes en matière de gestion et de traitement
des déchets solides. Les pratiques actuelles de gestion des déchets au Burundi
ont de nombreuses conséquences négatives tant sur l'environnement que sur la
santé humaine. Il indique qu’au Burundi, la situation de gestion des déchets
est plus délicate car, au moins 75 % des déchets ménagers ne sont pas
collectés : les associations et autres travaux d’assainissement collectent
environ 5% des déchets.
Selon les services
techniques municipaux cités par Ndayikeza, les SETEMU ne collectaient que 20%. Avant
la mesure interdisant l’usage des sachets en plastiques, les déchets en plastiques
représentaient environ 11% du total des déchets.
L’omniprésence du
plastique dans l’environnement représente un danger sanitaire pour
l’homme. En effet, ce produit est en continuelle interaction avec
l’environnement et finit par s’infiltrer dans le corps humain, par
ingestion, inhalation ou contact direct et causent différentes sortes de
maladies dont la perturbation du système immunitaire, du système respiratoire,
la baisse de la fertilité, les risques
de cancer dont le cancer des seins et des reins. De plus, les plastiques peuvent
provoquer des effets néfastes sur les reins, le foie, les globules
rouges et la structure osseuse.
A part les effets sur la santé, certifie Ndayikeza, les plastiques ont des effets
néfastes sur l’environnement. Il s’agit des inondations massives, des odeurs
nauséabondes et des habitats favorables aux moustiques. Des matières
plastiques, y compris les sacs, causent de graves dommages aux sources d'eau,
provoquant une pollution marine.
Les résultats d’une
étude sur « la pollution par des débris » menée sur 38 lacs et
réservoirs, dont deux lacs africains, à savoir le lac Tanganyika et le lac
Sibaya en Afrique du Sud montrent qu’il y a une concentration de micros
plastiques d’environ 2.5 particules par
m3 dans le lac Tanganyika. « Le Lac
Tanganyika est vulnérable à la contamination au Plastique », laisse Dr
Claver Sibomana, professeur associé à l’Université du Burundi qui a participé à
l’étude.
Non seulement les êtres humains, les effets des déchets
plastiques s’abattent aussi sur les ruptures, les êtres aquatiques, les
volailles, etc. D’innombrables oiseaux et animaux meurent après avoir ingérés
des déchets plastiques, plus d’un milliard d’oiseaux et de mammifères marins
meurent chaque année à cause de l’ingestion de plastique.
Le plastique est non
seulement partout sur la surface, il est
aussi dans le sous-sol. Cela entrave la production agricole, car les plantes en
poussant, ne peuvent pas pénétrer au-delà du plastique. De plus, ajoute
Ndayikeza, n’étant pas biodégradables, les sacs en plastique restent en effet
longtemps dans le sol où ils gênent l'infiltration de l'eau. Ces sacs réduisent
la percolation (passage d’un fluide via un milieu poreux) de l’eau et une bonne
aération du sol. Cela entraîne une réduction de productivités de ces champs.
Comment
l’économie circulaire peut-elle inverser la tendance ?
L'économie circulaire
est un modèle de production et de consommation qui consiste à partager,
réutiliser, réparer, rénover et recycler les produits et les matériaux
existants le plus longtemps possible afin qu'ils conservent leur valeur. De
cette façon, le cycle de vie des produits est étendu afin de réduire
l'utilisation de matières premières et la production de déchets. Il s'agit
d'une rupture par rapport au modèle économique traditionnel et linéaire, qui
repose sur le principe du "prendre-fabriquer-consommer-jeter".
Jérôme karikumuryango
un expert national en polluant organiques résistant, actuellement coordinateur
National du projet « Renforcement des capacités en gestion des déchets chimiques
et plastiques dans le cadre d'une économie circulaire au Burundi », fait
savoir que l’économie circulaire contribue à la réduction des dangers des
déchets plastiques. De surcroit, explique-t-il, au niveau de l'économie
circulaire, il suffit d’analyser et voir dans quelle mesure le déchet peut devenir une matière première pour générer
d'autres produits, des services, des revenus et de l’emploi.
Il reconnait cependant
qu’au Burundi, l'économie circulaire est au stade embryonnaire. Les évaluations
qui ont été déjà effectuées montrent que pas mal de déchets sont valorisés.
Mais, ces valorisations sont ignorées par les potentiels investisseurs nationaux
ou étrangers.
« Ce que nous devons faire alors au niveau du projet, c'est de faire d'abord l'évaluation des déchets, des produits chimiques susceptibles d'être gérés dans le cadre de l'économie circulaire, publier le rapport d'évaluation pour que le public en général et les investisseurs du secteur privé ainsi que les institutions concernées sachent que nous avons des potentialités en matière de déchets qui peuvent être valorisées », révèle Karimumuryango . Et, de cela, ceux qui sont valorisés artisanalement, les investisseurs étrangers et nationaux pourront injecter des capitaux pour passer du manuel à la mécanique et plus tard à la production industrielle.
Par rapport à l'absence de l'engouement à l'économie circulaire, le consultant constate qu'on ne peut pas injecter des capitaux dans un secteur qu'on ignore. « Jusqu'à maintenant on n'a pas encore fait une évaluation nationale des déchets et des produits chimiques qui peuvent être valorisés dans le cadre d'une économie circulaire pour qu'en fin les investisseurs puisent injecter des capitaux et passer du problème de déchets à une opportunité de déchets », avoue Karimumuryango.
Pr Pierre Ntakiyiruta de la Facultés des sciences département de chimie à l'Université du Burundi prône qu'avant l'injection des déchets dans l'économie circulaire, il faut d'abord promouvoir le triage pour séparer les déchets biodégradables de ceux qui ne le sont pas.
Pour lui, pour contrer les méfaits des plastiques, la population peut se tourner vers les objets fabriqués à base de l'argile notamment des assiettes, des gobelets, des tasses. Et s'il faut conserver l'eau, utiliser des pots traditionnels au lieu des bidons et d'autres plastiques.
Notons que l'atelier est organisé dans le cadre de la semaine verte pour l'environnement dans le cadre de l'organisation Internationale des Consommateurs célébrée cette année du 2 au 8 oct. 2023.