Thé vs arbres : la lutte du parc national de Kibira « Tu vois de l‘autre côté ce secteur de plantation de thé ? », montre du doigt le secteur B du complexe théicole de Rwegura, Etienne Nsaguye, 62 ans, habitant de la localité Rwagongwe situé près du parc. « Nous, nous appelons aujourd’hui ce secteur ‘’muri gitansiyo’’ », une adaptation du mot ‘’extension’’ en kirundi.
Autrefois, cette zone était occupée par une forêt dense. Elle faisait partie du parc national de la Kibira, précise Nsaguye. On y rencontrait les chimpanzés, les gorilles, les phacochères, etc. comme on rencontre aujourd’hui un troupeau de chèvres dans la rue depuis la rivière Gitenge jusqu’à ce qu’on traverse la Kibira, soit une longueur d’environ dix kilomètres, se souvient Etienne Nsaguye.
« Mais, maintenant, tu vois, cette zone de forêt a laissé la place aux plantations de thé. »poursuit-il. Et les animaux ont presque disparu. « On peut traverser le secteur Rwegura du parc national de Kibira sans rencontrer un seul chimpanzé. On ne voit que les singes. »Indique-t-il
Secteur B du bloc agro-industriel de thé de Rwegura installé dans l’ancienne zone de Kibira et géré par l’OTB, autrement appelé ‘’muri gitansiyo’’ , une adaptation du mot ‘’extension’’ en kirundi. Rwegura est l’un des trois blocs agro-industriels de thé géré par l’Office du thé du Burundi (OTB) et installés dans l’ancienne zone de la forêt de la Kibira. Ce dernier s’étend au Nord-Ouest du pays sur une longueur de plus ou moins 8Okm. Il est subdivisé en quatre secteurs à savoir: le secteur Musigati de la commune Bubanza, le secteur Teza de la commune Muramvya, le secteur Rwegura de la commune Kayanza et le secteur Mabayi de la commune Mabayi.
Les trois blocs agro-industriels de thé sont alors implantés les secteurs Rwegura, Buhoro à Mabayi et Teza. Actuellement, ces blocs agro-industriels sont contigus avec le parc et pénètrent à l’intérieur de la Kibira. Ainsi, les limites du parc et des blocs agro-industriels de thé restent floues.
A quand l’implantation du thé au Burundi ? C’est dans le secteur Teza du parc de Kibira, à trente (30) kilomètres au nord-est de Bujumbura—capitale économique du Burundi—soit 48 kilomètres par la route, où sera introduite la culture du thé au lendemain de l’indépendance en 1963 par le gouvernement du Burundi à travers l’OTB avec l’intention d’élever le niveau de vie de sa population et de diversifier ses exportations.
Son extension progressive jusqu’en 1970 amputera à la Kibira une superficie d’environ 1000 hectares.
L’OTB ne s’arrêtera pas là. Il implantera progressivement deux blocs agro-industriels de thé dans deux autres secteurs du PNK, à savoir Rwegura et Buhoro. En même temps, il développe la culture théicole dans les milieux villageois environnants et lointains.
Au fur et à mesure que l’espace cultivable du thé augmente, non seulement la superficie de la Kibira se réduit, mais aussi elle s’éclaircit au bord de ces blocs industriels. Sa biomasse végétale diminue.
« Lors de son élévation au statut d’aire protégée par une ordonnance ministérielle établissant les limites de la Kibira le 12 décembre 1933, sa superficie était estimée à 90 000 hectares. Tel était toujours le cas jusqu’en 1950 », selon Pr. Richard Habonayo, enseignant-chercheur à la faculté d’Agronomie et de Bio-ingénierie à l’université du Burundi.
Néanmoins, à la création de l’Institut national pour l'Environnement et la Conservation de la nature (INECN) en 1982, la superficie de la Kibira était déjà tombée à 40 000 hectares, soit une perte de plus de la moitié de la superficie de l‘aire protégée qui équivaut à 125% de pertes, selon le rapport de la troisième Communication nationale sur les changements climatiques.
Officiellement, la superficie de la Kibira est aussi estimée aujourd’hui à 40 000 hectares.
Une étude, menée par les chercheurs Dr. Joël Ndayishimiye et Pr. Fréderic Bangirinama en 2016 citée par Pr. Habonayo montre, à travers les images, plutôt que la superficie de la Kibira continue à diminuer et s’élève à plus de 36 000 hectares.
En octobre 2019, la troisième Communication nationale sur les changements climatiques estimait la perte de la superficie de la Kibira ces dix dernières années (de 2009 à 2019) à entre 10 000 et 12 000 hectares. Actuellement, soit six ans après sa publication, la superficie de la Kibira n’est pas bien connue, lit-on dans le même rapport.
Continuation de l’extension des plantations théicoles dans la Kibira D’après le prénommé Pascal, qui habite aux environs du complexe théicole de Teza, l‘OTB étend jusqu’à présent ses plantations de thé de l’usine de Teza dans le parc. « L’OTB de Teza envoie ses employés dans la Kibira couper le bois mort et vivant. Ils convertissent cet espace défriché en plantations de thé. Cela reste invisible, car les limites entre Kibira et les blocs agro-industriels demeurent floues. Néanmoins, comme tu peux le constater à certains points, les plantations de thé pénètrent à l’intérieur de Kibira.» Etienne Nsaguye affirme que depuis que l’OTB a installé le secteur B du bloc agro-industriel de thé de Rwegura à Kibira, il a continué à défricher peu à peu Kibira pour étendre ses plantations de thé et augmenter sa production. Dans le secteur B, les plantations théicoles pénètrent à l’intérieur de la Kibira, précise-t-il. Au moment où le code forestier prévoit une zone tampon d’un kilomètre entre les limites des parcs et les activités anthropiques, le chef de la colline Bukeye Jean Nyuzuriyeko déplore les plantations de thé de l’usine de Teza qui pénètrent à l’intérieur du parc national de la Kibira. Il cite comme exemple la colline Musugi. Le directeur de l’OBPE nie toute extension de l’espace cultivable de l’OTB vers la Kibira. Il affirme plutôt que ce dernier exploite l‘étendue qui lui a été accordée par l’Etat. Il insiste sur le fait qu’il y a une collaboration entre l’OBPE et l’OTB, afin que cette dernière n’étende pas ses champs théicoles vers la Kibira, car il n’en a pas le droit. Néanmoins, Gabriel Nahimana, directeur agronomique à l’OTB a reconnu en 2022 dans les colonnes de l’hebdomadaire Burundi Eco que l’OTB poursuit l’extension de ses exploitations de thé pour booster sa production. « Dans cette perspective, 150 hectares vont être mises en valeur sur une période de trois ans dans la commune de Mabayi. L’extension est également prévue dans les communes Songa et Rutovu», a-t-il ajouté. L’enseignant chercheur Habonayo affirme que les plantations de thé font partie des facteurs de diminution de la superficie du parc de la Kibira. « L’on ne peut pas les qualifier de crime, mais une grande partie de la Kibira a été défrichée et perdue au profit des complexes théicoles de Teza, Rwegura et Buhoro ». Les chercheurs économistes Pr Léonard Nkunzimana et Pr Adélard Akintore ont dénoncé plus tôt en 2010 les méthodes utilisées par l’OTB pour augmenter sa production de thé dans leur étude intitulée Dynamique de la filière théicole et son impact sur l'environnement au Burundi : cas des complexes théicoles de Rwegura et Teza publiée en 2010. Ces scientifiques indiquent que pour accroître la production théicole, l’OTB a recours à l’extension de l'espace cultivable du théier vers les réserves naturelles en l’occurrence la Kibira. Le dernier rapport annuel de l’Institut national des Statistiques du Burundi (INSBU) publié en décembre 2024 souligne que la production du thé de feuilles vertes dans les complexes théicoles limitrophes avec la Kibira a augmenté ces dix dernières années comme le défendait le chercheur Nkunzimana. Dans le bloc agro-industriel de Teza, la production du thé de feuilles vertes a doublé en l’espace de dix ans: Elle est passée de 2 572 tonnes en 2013 à 5 433 tonnes en 2023. Dans le bloc agro-industriel de Rwegura, la production du thé de feuilles vertes a augmenté de 2013 à 2020 passant de 5 586 tonnes à 6 333 tonnes, soit une hausse de 13% avant de décélérer en 2023 pour s’établir à 3 379 tonnes, soit un recul de 39%. Dans le complexe industriel de Buhoro, la production du thé de feuilles vertes a connu une hausse de 12% au cours de la même période. Elle est passée de 2 099 tonnes en 2013 à 2 343 tonnes en 2023. Les chercheurs Nkunzimana et Akintore ajoutent que l’OTB augmente également la production du thé en étendant son espace cultivable vers l’espace des particuliers. Ce qui hypothèque d’autres cultures vivrières. Le chef de la colline Bukeye Jean Nyuzuriyeko étaye cette affirmation et illustre cela par les cas des collines Busekera, Kigereka, etc. Comme dans le bloc industriel de Teza, dans le milieu villageois de Banga-Teza, l’INSBU montre que la production du thé de feuilles vertes a également doublé en dix ans. Elle est passée de 5 838 tonnes en 2013 à 11 026 tonnes en 2023. Il en est de même dans les milieux villageois de Rwegura et Buhoro. La production est passée respectivement de 8 440 tonnes à 9 158 tonnes et de 1 940 tonnes à 2 956 tonnes, soit une hausse respective de 8% et de 52%. Les scientifiques Dr Monica Schuster et Pr Jean Ndimubandi qui ont également étudié les facteurs de la croissance de la production du thé attestent que « l'augmentation de la production de thé entre 2004 et 2016 s'explique par les expansions de surface à soixante pour cent (60%) et par l'augmentation de rendement à quarante pour cent (40%) » dans leur rapport Introduction de mécanismes d’agriculture sous-contrat dans la filière thé au Burundi publié en septembre 2018. Le séchage des feuilles vertes consume le bois du parc et les boisements publics Boisements de l’office du thé du Burundi où l’on a coupé les bois utilisés pour sécher les feuilles vertes de thé de l’usine de thé de Rwegura. La coupe du bois de sèchement des feuilles vertes de thé dans le parc le menace également de disparition. Léonard Nkunzimana indique : «Pour sécher la production des feuilles vertes de thé, L'OTB brûle une quantité importante de bois sec dans des fours efficaces et récupère la vapeur comme source d'énergie.» Dans l’usine de thé telle que Rwegura, il faut entre trois et quatre stères de bois pour produire une tonne de thé sec. Le bois est récolté dans les plantations d'eucalyptus de l'OTB. Lorsque l’OTB ne parvient pas à couvrir sa demande, il s’en procure dans le parc de la Kibira. Youssouf Minani en témoigne : « L’OTB de Rwegura dispose de plantations dans lesquelles il coupe le bois. Lorsqu’il ne parvient pas à couvrir la demande en bois, il s’en procure dans le parc national de Kibira. Avec l’accord de l‘INECN qui a évolué vers l’OBPE, l’OTB coupe les bois d’eucalyptus à l’intérieur du parc. » Minani estime qu’il y a deux ou trois ans quand l’OTB a coupé les bois à l’intérieur du parc dans une localité appelée Regideso située en haut du lac de retenue de Rwegura. L’OTB Rwegura récolte beaucoup de bois à tel point qu’il les partage avec les autres usines de thé comme Buhoro à Mabayi et Teza, confie Désiré Miburo, rencontré à Rwegura. Le prénommé Pascal habitant à Teza près du parc national de Kibira lui aussi accuse l’OTB de Teza de couper le bois dans le parc: « La communauté locale coupe en cachette le bois dans le parc de la Kibira très tôt le matin ou le soir quand les gardes sont déjà rentrés. En revanche, l’OTB de Teza envoie ses employés dans la Kibira couper le bois mort et vivant pendant la journée car c’est l’Etat. Les employés de l’OTB convertissent cet espace défriché soit en y plantant du thé ou des arbres qu’ils pourront exploiter dans le futur si les responsables de la Kibira négligent de le reboiser.» Le scientifique Prof Laurent Ntahuga, biologiste et consultant en environnement reproche également à l’OTB d’utiliser les différentes plantations d’eucalyptus du PNK comme bois de service, mais également comme bois de chauffage au niveau des usines de thé. Le chercheur Pr Habonayo rappelle que les différentes plantations d’eucalyptus dans lesquelles l’OTB coupe le bois relèvent du PNK. Or, ces boisements étaient installés dans le but de la réhabilitation des zones de la Kibira déforestées. A cet effet, on comprend bien que toute décision d'accroître la production du thé sec exige une extension des plantations de thé, une disponibilisation importante du bois qui peut être transformé en source d’énergie. Elle va aussi avec l'usage intensif des engrais chimiques et des pesticides. Ce qui conduit à la destruction des ressources forestières et à la pollution de l’eau et du sol, explique l’économiste Nkunzimana. Berchmans Hatungimana, directeur général de l’OBPE rejette en bloc ces accusations. « Ceux qui accusent l’OTB d’utiliser le bois coupé dans le parc de la Kibira ont un agenda caché. Ce que je sais, c’est que l’OTB utilise le bois coupé dans ses propres plantations d’arbres. Lorsque l’OTB ne parvient pas à couvrir la demande en bois, il s’en procure dans les boisements de l’Etat. Le ministère de l’Environnement le cherche dans d’autres boisements et non dans la Kibira, car c’est strictement interdit d’y couper les arbres.» A en croire Hatungimana, ceux qui accusent l’OTB de déforester la Kibira ne savent pas peut-être ses limites. Quand ils voient l’OTB couper les arbres proches du parc, ils présument que c’est dans le parc. Il faut noter au passage que les deux offices relèvent du même ministère de l’Environnement, de l’Agriculture et de l’Élevage. Mais, ils ont des missions différentes. L’OBPE, c’est pour la protection de l’environnement et l’OTB pour la production du thé. La question est de savoir si l’OBPE peut avoir le courage de dénoncer l’OTB en cas du non-respect des limites de la Kibira. Le scientifique Pr. Laurent Ntahuga, biologiste et consultant en environnement déplore l’absence de clarification de mandat et de responsabilités des autres partenaires clé de l’OBPE dans la conservation du parc de la Kibira. Il ajoute que « les institutions étatiques, y compris l’OTB, mènent les activités de nature économique dans le parc de la Kibira sans se soucier de la conservation de celui-ci. » Le chercheur Pr Habonayo, recommande plutôt à l’OTB d’utiliser ses propres boisements, de considérer cela comme assez suffisant et de ne pas chercher à les augmenter en déboisant la Kibira. Thé, culture de rente Le thé sec est à l’heure actuelle la seconde culture d’exportation et de source de devises pour le Burundi après le café. La Banque de la République du Burundi indique que plus de 90% de la production du thé sec est exportée. Cette exportation se répartit entre les ventes directes aux grossistes privés et les ventes aux enchères de Mombassa. Les ventes directes représentent 54,2%, soit 5 116,9 tonnes de production de thé. Les ventes aux enchères représentent 38,8% qui équivalent à 3 660,6 tonnes de production de thé. La consommation locale de thé représente 6,94%, ce qui équivaut à 654,7 tonnes. La conservation du parc est reléguée au second plan Zone de la forêt de Kibira convertie en terres agricoles et exploitée par les institutions étatiques dans le secteur de Rwegura. Le parc de Kibira connaît des menaces variées. Du barrage hydroélectrique de Mpanda aux champs agricoles des institutions étatiques de recherche et des communautés locales en passant par l’exploitation illégale du bois et de mines. Lors de notre passage dans le secteur Rwegura en septembre 2025, le constat était inquiétant. « La Kibira est devenue un espace agricole ! », s’exclame un pisteur après un tour à moto. Des végétations sont mêmes brûlées, poursuit-il. A la place, sont installés les labours et les jachères. « Pendant la saison culturale, on y observe des champs de maïs, de pomme de terre, etc. sur lesquels les institutions étatiques comme la Direction provinciale de l’Agriculture et de l’Elevage (DPAE) de Kayanza et l’Institut des Sciences agronomiques du Burundi (Isabu) mènent des recherches », indique le prénommé Benoît qui habite à Rwegura. Une partie du parc national de Kibira utilisée pour la production agricole La Kibira est également menacée par les champs agricoles des communautés locales. Pr Richard Habonayo, enseignant- chercheur à l’université du Burundi ajoute que « certains agriculteurs défrichent la Kibira au profit des cultures vivrières comme la pomme de terre, le manioc et le haricot tandis que d’autres y coupent illégalement le bois pour le sciage, le charbon de bois, le bois de chauffage et la vannerie.» L’écologiste Nzigiyimpa dénonce que « la communauté locale exerce aussi une grande pression sur la Kibira en coupant à grande échelle les bambous dans le parc et en y extrayant artisanalement et illégalement des minerais ». Ces institutions étatiques et les communautés locales défrichent le parc national de la Kibira (PNK) en coupant les arbres. Ce qui inquiète le plus la communauté scientifique et le collège d’écologistes au Burundi, c’est l’extension continue des cultures par le défrichement du PNK, surtout dans le secteur de Rwegura. Pr André Nduwimana n’en revient pas suite aux incursions et à l’agrandissement des cultures de pomme de terre dans le parc. L’écologiste Léonidas Nzigiyimpa, représentant légal de 3C (Conservation et Communauté de changement) lui aussi s’inquiète de l’extension progressive des champs agricoles. Ces derniers consument le parc au fil du temps, dit-il. Secteur Rwegura: Les institutions étatiques défrichent et incendient la végétation de la forêt de Kibira . Elles (institutions étatiques) transforment cette zone en labours poursuivant ainsi l’extension de l’espace des cultures. «Des travaux de recherche adaptés à cet environnement ont été réalisés grâce au microclimat généré par la Kibira. C’est la raison pour laquelle l’Isabu dispose de certaines cultures comme les pommes de terre, le café, le macadamia et bien d’autres dans le parc et dans ses environs sur lesquelles il mène des recherches », avoue Berchmans Hatungimana, directeur général de l’Office Burundais pour la protection de l’environnement. Avec la volonté, ces institutions étatiques peuvent délocaliser ces recherches scientifiques, suggère le chercheur Richard Habonayo. Il croit qu’elles ne manqueraient pas où les mener.Le barrage de Mpanda, cette autre menace
Le barrage hydroélectrique de Mpanda ne fait pas exception des menaces
du parc. Au contraire, il en fait partie. Ce dernier est construit sur
le cours supérieur de la rivière Mpanda dans les secteurs Musigati et
Teza. Jean Rushemeza, un consultant indépendant qui a réalisé « l’évaluation préliminaire de l’impact du projet hydroélectrique de Mpanda sur la biodiversité du PNK » dans son rapport publié en 2019 a remarqué que le site du projet se trouve dans une zone très sensible. « La biodiversité se trouvant dans la zone du barrage, la tour de prise d’eau et les pistes d’accès ont été détruites partiellement par les travaux avant même qu’un inventaire soit réalisé pour connaître sa richesse. Or, sa biodiversité comme celle du parc en général, est très mal connue. » Écrit-il dans son rapport. « La biodiversité se trouvant dans la zone du barrage, la tour de prise d’eau et les pistes d’accès ont été détruites partiellement par les travaux avant même qu’un inventaire soit réalisé pour connaître sa richesse. Or, sa biodiversité comme celle du parc en général, est très mal connue. » Écrit-il dans son rapport. Une fois les travaux de construction du barrage, de la retenue et une partie de la conduite forcée de ce barrage achevés, ils amputeront à la Kibira une superficie d’environ 135 hectares. Cela est sans considérer la superficie des sites d’extraction d’argile et de carrières se trouvant également dans le parc ainsi que l’ouverture de trois pistes d’accès à la centrale à partir de la limite du parc, indique-t-il. Le chercheur Habonayo trouve normal qu’il y ait des projets de développement dans le parc de la Kibira sous une condition : « il faudrait mener une étude d’impact environnemental et social préalable pour démontrer que le projet est viable et qu’il pourra remédier aux dommages conséquents.» Le consultant Rushemeza fait savoir que le projet de construction du barrage hydroélectrique de Mpanda avait commencé vers la fin de l’année 2011 sans une étude sur l’impact environnemental et social préalable ni une étude de faisabilité. Au départ, il était prévu que Mpanda produise 10,4kw de courant électrique et ainsi contribuer à réduire le déficit de l’électricité. Malheureusement, son chantier est suspendu depuis 2016 après 30% de réalisation des activités du projet. Avant la reprise des travaux, Rushemeza préconise de mener une étude détaillée sur les espèces et leurs habitats dans la zone des 135 hectares. En outre, il propose de réduire jusqu’à 12 hectares la superficie sur laquelle sera construit le barrage. Le directeur général de l’OBPE Berchmans Hatungimana affirme toutefois que « les activités de recherche scientifique sur certaines cultures, l’exploitation illégale des minerais et des ressources forestières ou bien l’espace détruit par les feux de brousse sont menées à l’intérieur du parc de la Kibira. Néanmoins, aucun centimètre de la Kibira mentionné dans le décret présidentiel portant sur sa délimitation, n’est grignoté ». Il souligne en outre qu’« en éclaircissant les limites du parc telles que mentionnées dans le décret présidentiel, nous avons trouvé qu’il y a des ‘’galeries forestières’’ qu’on n’avait pas rattachées à la Kibira alors qu’elles doivent en faire partie ». Ces dernières augmenteront donc la superficie de la Kibira. Une étude menée par les chercheurs Dr. Joël Ndayishimiye et Pr. Fréderic Bangirinama en 2016 citée par Pr. Habonayo indique que suite à ces activités anthropiques, la forêt de Kibira risque d’être fragmentée. Une présence humaine nuisible Sur ces hauts plateaux, la filière thé emploie plus de 1 000 salariés et 7 500 à 8 000 travailleurs journaliers dans la cueillette de la feuille verte, à l’usine, dans l’entretien des plantations théicoles, dans les pistes de communication et dans l’exploitation des boisements. Les institutions étatiques telles que ISABU, DPAE, REGIDESO emploient également une grande partie de travailleurs journaliers et salariés. « Ces ouvriers produisent un grand bruit sonore nuisant à l’habitat des chimpanzés, espèce phare de la Kibira. Ils jettent les restes des nourritures, les sachets… En gros, ils polluent l’habitat des chimpanzés » fait remarquer l’écologiste Léonidas Nzigiyimpa. Pendant l‘entretien des champs, certains ouvriers entrent illégalement à l’intérieur du parc. « Les entrées et sorties ne sont pas régulées et restent largement incontrôlées. Ils cueillent la nourriture des chimpanzés notamment les fraises sauvages », souligne M. Nzigiyimpa. Berchmans Hatungimana, directeur général de l’Office Burundais pour la Protection de l’Environnement, quant à lui reconnait qu’ils créent la concurrence. Au bord de la route numéro un qui longe le parc national de la Kibira, la population locale exerçait le commerce des fruits comestibles sauvages comme les fraises et bien d’autres pour nouer les fins de mois. « Nous avions atteint un stade où nous cueillions des fruits qui ne sont pas mûrs. Nous les conservions dans un lieu sûr et attendions qu’ils soient mûrs. Maintenant, ce commerce est quasi-inexistant. Les fraises sauvages ont presque disparu. Même les arbousiers ne portent plus leurs fruits », observe le prénommé Pascal, un habitant local. Les habitants riverains pratiquent également la chasse et tendent des pièges pour attraper les animaux dans la Kibira, dénonce l’écologiste Nzigiyimpa. Pr Habonayo explique que cela fait que les chimpanzés craignent la présence des êtres humains et s’en éloignent. « Nous avons des employés qui gardent la Kibira 24 heures sur 24 pendant toute l’année. S’il advient qu’un ouvrier entre illégalement dans la Kibira et outrepasse les lois de la protection du parc, il est arrêté et livré à la société qui l’emploie pour qu’il soit puni conformément à la loi », réagit le directeur général de l’Office Burundais pour la Protection de l’Environnement. Une étude menée par l’ONG Conservation et Changement de Communauté (3C), cité par son représentant légal Léonidas Nzigiyimpa, indique que le nombre de piégeages a augmenté au fur et à mesure que les activités de développement se sont intensifiées et que la population s’est accrue autour de la Kibira. « Outre les activités anthropiques, les plantations de thé constituent une barrière pour les chimpanzés dans leurs mouvements quotidiens de recherche de nourriture, car elles sont serrées et enchevêtrées. Elles coupent également la communication entre elles (différentes familles de chimpanzé) et limitent les femelles à retrouver les mâles issus d’une autre famille afin de s’accoupler et de se reproduire. Or, la reproduction des chimpanzés est lente et si les chimpanzés de même famille s’accouplent, elles mettent bas un bonobo débile. Cela limite la multiplication de la population des chimpanzés et contribue à réduire les effectifs », explique Nzigiyimpa, expert environnementaliste et représentant légal de 3C. De 500 à 200 : comment les plantations de thé contribuent au déclin des chimpanzés de Kibira Un chimpanzé dans son milieu naturel Leur habitat menacé, certains chimpanzés y ont laissé la vie et les rescapés ont déserté les secteurs de la Kibira notamment Rwegura, Teza et Musigati. Ils se sont réfugiés dans le secteur Mabayi directement contigu au National Nyungwe Park (NNP) au Rwanda où ils recherchent la sécurité alimentaire et physique, indique Dismas Hakizimana, chercheur-enseignant à l’université du Burundi et Marie-Claude Huynen, chercheur-enseignant à l’université de Liège dans leur article scientifique « Chimpanzé (Pan troglodytes schweinfurthii), densité et abondance de la population dans le parc national de Kibira, au Burundi » publié par l’université de Liège en 2013. Ces auteurs indiquent que les chimpanzés sont plus nombreux dans le secteur de Mabayi. Que ce soit à Teza ou à Rwegura, deux secteurs du parc national de la Kibira, les chimpanzés restent actuellement des animaux rares. « La dernière fois que j’ai vu un chimpanzé dans le parc de la Kibira, c’était en 2018 », raconte le prénommé Pascal qui habite près du parc. « Nous les rencontrons occasionnellement », ajoute-t-il. La Kibira est désormais l’habitat de plus de 200 chimpanzés contre environ 500 chimpanzés avant sa déforestation selon certaines études. L’écologiste Nzigiyimpa indique que les chimpanzés sont des constructeurs de forêts et contribuent à maintenir l’équilibre écologique. Il prévient que si les chimpanzés disparaissent, d’autres types de végétations suivront. Pas d'eau, pas de paix : le coût humain de la disparition des sources d'eau à Kibira A travers le pays, la déforestation a atteint le point culminant avec un taux annuel de 9%, alerte la troisième communication nationale sur les changements climatiques. Ce qui compromet le développement durable, explique Pr André Nduwimana. « La déforestation massive, l’installation des cultures dans les zones interdites comme à Kibira et d’autres crimes environnementaux ont détruit l’écosystème comme les herbes fixatrices de l’eau en l’occurrence les papyrus. Or, les papyrus est le grenier des sources d’eau. C’est compréhensible que si on les défriche, en l’espace de quelques années, l’eau baisse voire tarit », souligne Berchmans Hatungimana, directeur général de l’OBPE. Beaucoup de ruissèlement, peu d’infiltration et de recharge de la nappe phréatique. Pr André Nduwimana explique que « la déforestation diminue sensiblement la capacité d’infiltration de l’eau dans le sol. Ce qui signifie que la nappe phréatique ne se recharge pas.» En revanche, elle (déforestation) augmente le niveau de ruissellement. « Toutes les eaux de pluie coulent vers les rivières pendant la saison pluvieuse. Ainsi, le niveau des lacs monte et le débit des rivières augmente. Au cas contraire, quand il y a sècheresse, vous comprenez que cette eau, qui s’évapore depuis les lacs et les rivières et par la transpiration des plants de thé n’est pas compensée par la nappe phréatique », élucide ce chercheur. Le Burundi connaît actuellement l’allongement de la sècheresse ainsi que la courte et l’irrégulière saison des pluies. Alors que d’habitude la saison sèche s’étendait de juin à septembre, actuellement, elle débute très tôt vers le début du mois de mai pour se terminer vers la fin du mois d’octobre, lit-on dans la Troisième communication sur les changements climatiques. La sécheresse et les activités anthropiques exacerbent alors l’asséchement des sources et des cours d’eau. Partant, le niveau des lacs ainsi que le débit des sources d’eau et des rivières baissent. Par conséquent, elles s’assèchent au fil des années, complète Pr Nduwimana.Le lac Rwegura s’assèche. La partie du lac de Rwegura proche des plantations de thé de Rwegura a tari en septembre 2025 au moment où en mai 2025, elle était couverte des eaux du lac de Rwegura. Dans un article récent, l’enseignant-chercheur André Nduwimana a montré comment le lac de Rwegura, alimenté par les sources d’eau prenant origine dans le parc de la Kibira, continue à baisser de niveau suite à la déforestation et à la sécheresse aigüe. La Direction générale de l'Environnement et de l'Assainissement appuie l’analyse du chercheur par des données chiffrées. Sur 24 787 sources d'eau dont disposait le Burundi en 2021, 2 508 ont déjà tari, soit 10% des sources d’eau disponibles ; 1 418 sont en cours de disparition, soit 6%. Seules 17 821 sources d’eau sont en bonne état, soit 72%, a témoigné Jérémie Nkinahatemba, ancien directeur général de l'Environnement et de l'Assainissement. Or, la Kibira représente plus de 50% des sources d'eau du Burundi, indique Dr. Laurent Ntahuga. Pr Habonayo prévient que le pire est à venir. « Ces sources d’eau existent car la forêt est encore là. Si rien n’est fait pour protéger la Kibira, toutes ces sources d’eau s’assècheront. Nous ne le verrons pas à notre époque, mais, à long terme, cela peut se produire. ». Baisse et assèchement des sources d’eau de la Kibira : La population en est victime En effet, beaucoup de rivières importantes et de ruisseaux prennent source dans ce massif forestier. Par son altitude élevée, Kibira constitue la ligne de partage des eaux pour les deux bassins hydrologiques importants du Burundi dont le Congo à l’ouest et celui du Nil à l’est. Ainsi, il est considéré comme le château d’eau. «A l’ouest de la crête, ces rivières irriguent pendant leur voyage les champs agricoles notamment la plaine de l’Imbo, responsable de plus de 50% de la production du riz consommée dans le pays tandis qu’à l’est de la même crête, ils arrosent la dépression transfrontalière de Bugesera.», indique l’écologiste Nzigiyimpa. « Kibira alimente également en eau potable plus de deux millions de personnes », estime l’écologiste Nzigiyimpa. Pr. Habonayo souligne que la Kibira approvisionne en eau potable trois quarts de la population environnante. Néanmoins, les conséquences de la baisse et de l’assèchement des sources d’eau de la Kibira sont vécues au quotidien en aval par la population vivant dans les deux bassins susmentionnés, relativise le professeur André Nduwimana. A titre illustratif l’ancienne province de Bubanza. Bubanza figure parmi les provinces frontalières avec la forêt de Kibira. Cette province est approvisionnée en eau potable par les sources d’eau de Kibira aménagées par la Regideso, entreprise publique de la production et de la commercialisation de l'eau potable et d'électricité. En juillet 2025, lors de notre passage, les robinets sont à sec dans tous les quartiers du chef-lieu de l’ancienne province de Bubanza. Le robinet qui alimente le secteur Kagwema en eau potable est à sec. L’eau du robinet vient à 8h et disparaît à 9h. Seuls ceux qui se lèvent à l’aube à 3h du matin s’approvisionnent. « Nous passons plus de trois jours sans que la Regideso nous approvisionne en eau potable dans presque tous les quartiers », déplore Divin Nkunzimana, un habitant du chef-lieu de Bubanza. A Kanabubu, un quartier situé dans la partie nord du marché du chef-lieu de l’ancienne province de Bubanza, l’eau du robinet apparaît au plus une fois les dix jours pendant la nuit vers 1h jusqu’à 7h du matin, indique Evariste Irakoze, habitant à Kanabubu. Ce n’est pas la première fois que cela se produise, raconte Irakoze. A chaque saison sèche, tous les quartiers du chef-lieu de l’ancienne province de Bubanza vivent la pire rupture d’approvisionnement en eau potable depuis plus de cinq ans, renchérit-il. Aline Niyogusenga s’exprimant sur la pénurie d’eau dans sa communauté de Kagwema A environ trente kilomètres de là, à Kagwema, zone située dans la plaine de la Rusizi, la réalité est la même. «L’eau du robinet est rare. Si elle vient, elle est insuffisante et ne dure qu’une heure. Elle vient à 8h et disparaît à 9h. Seuls ceux qui se lèvent à l’aube à 3h du matin s’approvisionnent.», fait savoir Aline Niyogusenga, habitant à Kagwema. Les sources d’alimentation en eau potable sont fonction de la saison. «Lorsque le débit de la source d’alimentation en eau baisse pendant la saison sèche, les robinets sont souvent à sec tandis que quand les sources en eau ont retrouvé leur niveau pendant la saison de pluie, l’eau du robinet coule à flot. », explique Dr Abel Nsabimana, enseignant-chercheur à l’université du Burundi, géographe de formation et expert en Hydrogéologie. Naissance des problèmes dans les familles Pour s’approvisionner en eau potable, les habitants du chef-lieu de Bubanza se tournent vers des sources aménagées dans les marais communément appelées « Rusengo ». Malheureusement, elles sont un peu loin. « Nous escaladons les montagnes et arrivons à la maison fatigués », confie Divin Nkunzimana. A Kagwema, la réalité est tout à fait différente. Même les Rusengo s’assèchent vers le mois de mai quand la saison sèche démarre pour réapparaitre en saison de pluie vers le mois d’octobre, indique Etienne Bigirimana, chef du secteur Kagwema. La population se rabat sur l‘eau qui irrigue les champs agricoles. Des fois, les gens de Kagwema sont obligés de parcourir de longues distances. « Nous puisons de l’eau dans les villages reculés tels que Gihungwe, Mpuzamuhari ou à la quatrième avenue de Ndava. A pieds, c’est un trajet de trois heures », révèle François Ndondo. Cela sème des conflits en famille. Les hommes battent leurs femmes et leur lancent des injures en les accusant d’avoir trainé. Le chef du secteur Kagwema affirme qu’au niveau de l’administration locale, ils reçoivent beaucoup de cas/plaintes où les conjoints se disputent à cause de l’eau. « Nous sommes arrivés à un stade où nous puisons de l’eau dans la rivière Rusizi. Les nôtres y ont laissé leur vie, dévorés par les crocodiles et les hippopotames », se souvient avec amertume le prénommé Samuel. Grâce au projet de forage des eaux souterraines fonctionnant à l’aide de l’énergie solaire, avec des réservoirs et un robinet raccordé, le projet Amazi Water fournit de l‘eau souterraine aux habitants de Kagwema qu’ils appellent en kirundi ‘’amajorojika’’ du mot « géologique ». Néanmoins, la seule vanne qui alimente toute la zone Kagwema en eau potable se révèle insuffisante, estime le chef du secteur Kagwema. « Je suis venue à 9h du matin. Mais, jusqu’à 14h, je ne suis pas encore servie. Car, nous sommes nombreuses à nous rencontrer ici. Nous devons puiser de l’eau à tour de rôle, soit deux bidons par personne pour donner la chance à ceux qui sont venus de loin de puiser.», révèle Aline Niyogusenga avant d’estimer que cette eau est imbuvable et salée pouvant causer de la grippe ou de la toux. Parfois, cela tourne aux disputes et les gens se battent autour de la question qui doit puiser le premier. Les enfants subissent l’injustice des adultes, car ils n’ont pas la force pour se défendre, remarque Etienne Bigirimana. Ces pagailles poussent la population locale à consommer l’eau de la rivière Rusizi, poursuit le chef du secteur Kagwema. Prolifération des maladies hydriques et à vecteurs « En consommant de l’eau de la rivière Rusizi, nous attrapons les maladies hydriques comme le choléra et la dysenterie. Il ne passe pas une année sans que le choléra n’attrape les gens ici à Kagwema, », se rappelle Samuel. C’est la maladie la plus courante ici dont les gens souffrent, renchérit le chef de secteur Bigirimana. Comme à Kagwema, on souffre des maladies hydriques aussi à Bugera de l’ancienne province de Kirundo, situé à l‘est de la Kibira qui l’alimente aussi en eau. « Nous sommes souvent malades de choléra suite à la consommation de l’eau sale », indique Vanessa Nikuze. « Si vous faites une visite sur la colline Bugera, vous trouverez des hommes qui ont de gros ventres comme des femmes enceintes suite à la consommation de l’eau sale », ironise Célestin Karimanzira, 52 ans, chef de la colline Bugera. En raison de sa situation environnementale, le Burundi est également naturellement exposé aux vecteurs de maladies liées à l’eau comme le paludisme. La déforestation favorise ainsi sa percée dans les milieux où elle n’existait pas avant. Depuis que la Kibira est dénudée, les moustiques pullulent à Rwegura, témoigne Séverin Bagayuwitunze, 61 ans. « Quand j’étais encore jeune, personne à Rwegura ne souffrait de la malaria. Les moustiques étaient inexistants. Nous éprouvions des élancements et souffrions de la grippe dus au climat. Maintenant que la Kibira est dévorée, nous sommes exposés à tous les genres de maladies. A l’hôpital, on soigne plusieurs cas de malaria », observe Bagayuwitunze. Tracer une ligne rouge Malgré sa déforestation, la Kibira demeure le plus important des parcs nationaux du Burundi. « Dans la tradition burundaise, nous respections les interdits », raconte l’écologiste Léonidas Nzigiyimpa. A titre d’exemple, il était interdit de lancer la pierre là où l’on a mis la baratte, car elle conservait quelque chose de valeur, le lait. Plutôt, on y faisait garde. Le parc de la Kibira devrait être considéré comme le lieu où l’on conserve une baratte que personne ne doit détruire. Pour lui, la Kibira n’a pas de prix. C’est la vie du pays. « La survie de la Kibira, c’est la survie du Burundi. La disparition de la Kibira, c’est un désastre. C’est le début de la disparition de notre pays, car les deux partagent le destin », prévient-il. Pour conserver la Kibira, « nous devrions tracer une ligne rouge qu’il ne faut pas franchir. » Le chercheur Habonayo prône l’application stricte de la loi en cas de manquements. Il recommande également d’analyser si les lois ne sont pas obsolètes pour les actualiser. Pour lui, on devrait instaurer des politiques claires afin de protéger davantage la Kibira. Associer les communautés locales Selon Pr. Habonayo, la pauvreté fait partie des facteurs qui poussent la communauté locale, en particulier la communauté des Batwa, à exploiter les ressources forestières. Afin d’améliorer leurs conditions de vie et de ne plus compter sur les forêts pour leur survie, le gouvernement devrait mettre en place des projets générateurs de revenus aux communautés locales. En outre, Pr. Habonayo recommande l’investissement dans la formation et le développement des capacités locales dans la gestion des ressources forestières. Il est impossible de protéger la Kibira sans associer les communautés locales, constate-t-il. On doit leur faire comprendre qu’elles ont une grande place dans la protection de la Kibira et de sa biodiversité qu’elle soit faunique ou florique. De son côté, le directeur général de l’OBPE déclare que pour impliquer les sociétés/instituts opérant à la lisière et à l’intérieur de la Kibira ainsi que les communautés locales dans sa conservation, ils sont en train de voir comment ces sociétés/instituts donnent une compensation financière aux services écosystémiques offerts par le parc. S’ils ne participent pas à la protection de la Kibira, leurs services ne tiendront pas pour longtemps, conclut-il. 26 Décembre, 2024 | 752 vues
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