Vue de loin, le Parc National de la Kibira, en province Bubanza dans les commune Musigati et Rugazi offre un dense couvert végétal. Des arbres géants, verdoyants rafraîchissent la région. Une vue panoramique splendide, un climat très doux. Nonobstant, tous les chemins qui mènent vers ce parc fait penser à une autre réalité. Sur la colline Gatare, la toiture de toutes les maisons est faite de bambous. D’une hutte à une maison moderne, toutes, dans leur construction, doivent nécessairement avoir de bambous même celles couverte de de tôles ou de tuiles.
Tous les enclos sont construits à base de bambous. Dans les champs, pendant cette saison, les haricots nécessitent des piquets sur lesquels ils grimpent. Ainsi, les agriculteurs s’approvisionnent dans la Kibira pour le tuteurage. Ce qui laisse entendre que le Parc National de la Kibira serait d’une certaine manière menacée par la population environnante.
Cette hypothèse sera affirmée par Jean Baptiste Barayandema, chef du secteur Musigati le 26 novembre 2024 lors du lancement de la démarcation physique des limites de la Kibiri dans le secteur Musigati. Il s’agit des pare-feu, une technique qui consiste à laisser une bande de terre nue, pour renforcer la démarcation physique des limites de la Kibira. Cette démarcation consiste à séparer le domaine forestier et les propriétés foncières de la population environnante. Cela, afin de protéger la Kibira contre les actions anthropiques qui mettent en péril ce patrimoine de grande importance.
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Dans ce secteur, le parc National de la Kibira est menacé de la déforestation liée notamment à la recherche du bois de chauffage, des arbres pour la construction des maisons, notamment les bambous, l’exploitation de l’or noir, l’exploitation des minerais, la recherche des piquets pour le tuteurage des champs de haricot, etc. », fait savoir M. Barayandema.
Pour lui, cette délimitation contribuera à réduire les malentendus entre les éco-gardes et la population environnante de la Kibira. Elle réduira aussi les feux de brousses qui, jadis frappaient de plein fouet ce patrimoine utile pour l’humanité
Les eco-gardes souvent menacésA Musigati et à Rugazi, malgré les difficultés, les éco-gardes se battent pour préserver ces paysages protégés. Ils ne sont que neuf à veiller sur les 15 424 hectares.
« Nous veillons chaque jour sur la kibira. Nous nous déplaçons à pied mais en équipe. Personne n’y a va seul de peur de subir des menaces. Toutefois, des fois nous nous heurtons à une équipe lourdement armée que nous. Ils sont surtout des chasseurs armés de lances, de flèches, de machettes et parfois de chiens », fait savoir Astere Baragafise, un éco-garde dans le secteur Musigati. Il indique d’ailleurs qu’il a un jour subit un coup de machette sur la tête.
A part leur effectif assez réduit, les éco-gardes accusent aussi un manque criant de moyens de communication pour alerter à temps. De plus, ils n’ont pas de matériels suffisants et appropriés pour faire face aux chasseurs.
« Nous sommes pendant la saison pluvieuse, mais nous ne disposons pas d’imperméables pour faire face à la pluie », ajoute Baragafise.
A Rugazi, le même scenario. Innocent Girukwishaka et ses pairs veillent chaque jour sur la Kibira. Cependant, ils font face au manque de matériels suffisant pour mener à bon port leur travail. En plus des problèmes que rencontrent les eco-gardes de Rugazi s’ajoute celui du manque de ration lorsqu'ils doivent veiller la nuit. Ils demandent des couvertures et des lits appropriés pendant la nuit.
Des projets de développement pour protéger efficacement la kibiraUn habitant de la colline Gatare, proche de la kibira certifie que le Parc National de la Kibira constitue leur gagne-pain quotidien. A l'instar de leurs ancêtres, il affirme qu’il y trouve tout ce dont il a besoin. « Nos grands-pères ont grandi ici. Ils vivaient de la Kibira. Tenez! Même la toiture de ma maison est faite de bambous. Pour moi, l'importance de la Kibira est que je parviens à vivre au quotidien grâce à elle. J'y trouve de quoi nourrir ma famille ». Ici, il parle des types d'arbres qu'il coupe dans le parc qu'il vend par après aux particuliers qui lui donne des sous.
Pour lui, la meilleure façon de protéger la Kibira serait de regrouper en coopérative environnante de la Kibira. Leur donner un capital de base pour monter de petits projets générateurs de revenus. Une idée partagée par Abraham Ntamagara, un jeune vivant à proximité de la Kibira. Il avoue : « Mon grand père et ma grande mère n'avait aucune autre source de revenu que la Kabira. Mon père et ma Mère font de même. Moi aussi. Nous n'avons pas d'autres terres à exploiter. Bref, nous vivons de la Kibira. Nous empêcher d'y aller équivaudrait à nous laisser à nous même ». Cependant, il suggère une voie de sortie. Celle de leur trouver d'autres moyens pouvant générer les revenus. Ce qui les empêcherait de détruire la Kibira.
Cependant, cette idée est déjà là car 40% de leurs revenus journaliers vont directement dans leur caisse d’épargne pour servir de capital pour les projets à venir.
Une fois protégée, la Kibira attirerait les visiteurs D’après le guide touristique « destination au Parc National de la Kibira réalisé par l’Office Burundais pour le Protection de l’Environnement de 2015, le PNK est un site naturel dans lequel on trouve des milliers d'espèces de faune et de flore très diversifiées dont beaucoup d'entre elles sont endémiques et emblématiques. On y rencontre des insectes, des primates, des oiseaux, des reptiles, de grands mammifères etc. Il fût un ancien domaine de chasse sacré des rois du Burundi et abrite presque une centaine d’espèces de mammifères, une dizaine de primates mais également quelque 200 espèces d’oiseaux. Selon les éco-gardes Barayandema et Girukwishaka, les chimpanzés attireraient beaucoup de visiteurs si la Kibira serait bien protégée et aménagée.
Les bénéficiaires s’en réjouissentLa population riveraine, les autorités locales et les gestionnaires de ce parc au quotidien saluent les actives de conservation chapotées par l’Ong 3c et le PNUD. Tous s’accordent sur le fait que la Kibira régule l’érosion, les précipitations, la température, l’humidité et irrigue les plaines en son aval.
Notons que le Parc National de la Kibira est à 60 % fait de bambous dans le secteur Musigati et Rugazi.