« Plus de 25 pays africains sont en détresse financière ou à haut risque de l'être. Au total, cela représente plus de la moitié du continent confronté à une crise de la dette redoutable. Tout cela s'inscrit dans une architecture internationale très polarisée, tant sur le plan politique qu'économique et sécuritaire », regrette Jason Braganza. Il ajoute que les acteurs se réunissent à Kampala pour discuter de ce qui peut être le moteur critique de ce paradoxe multipolaire et multi-crise, et , un élément clé a été la manière de générer des opportunités qui sont offertes à la région, grâce à la Zone de libre-échange continentale africaine, à la lutte contre les flux financiers illicites, et à la création d'une dynamique et d'une cohérence autour d'un ensemble complet de réformes de la dette que le continent doit promouvoir, tout en réformant l'architecture globale de la dette.
Des stratégies qui ont été arrêtées pour débloquer le développement durable de l’Afrique
Comme l’informe M. Braganza, trois stratégies ont été abordées dans les échanges en Ouganda : la Zone de libre-échange continentale africaine, la lutte contre les flux financiers illicites, et la création d’une dynamique et d’une cohérence autour d’un ensemble complet de réformes de la dette.
Concernant la réforme de l'architecture de la dette mondiale, il a été constaté que les gouvernements africains n’ont pas de plateforme où ils peuvent se rassembler collectivement pour négocier et élaborer des stratégies sur la façon dont ils peuvent restructurer ou renégocier leur répartition de la dette avec leurs créanciers. Cela s’explique par le fait que l'architecture de la dette a changé de manière significative au cours des 20 à 25 dernières années.
Alors que les créanciers étaient bilatéraux (c'est-à-dire de pays à pays) ou multilatéraux (c'est-à-dire des institutions financières internationales comme la Banque mondiale, le FMI et la Banque africaine de développement), aujourd'hui, on constate l'émergence de nouveaux prêteurs bilatéraux qui opèrent très différemment de ce à quoi on était habitué. On assiste également à une augmentation des prêteurs privés et commerciaux qui agissent de manière très différente, mais dont les intérêts tendent à être plus à court terme qu'à moyen ou long terme.
Barrer la route aux flux financiers illicites
Un autre sujet, selon Braganza qui a été abordé concerne les flux financiers illicites. « Le montant perdu à cause des flux financiers illicites est estimé entre 80 et 90 milliards de dollars américains par an. Cela se produit à la fois par des moyens illicites et illégaux de faire des affaires sur le continent. C'est un énorme problème car cela contribue à créer des déficits sur le continent, ce qui force ensuite les gouvernements à emprunter », rapporte-t-il. La gestion des flux financiers illicites devient un enjeu significatif quant à l'émergence et à la profondeur de la crise de la dette. Parce qu'à chaque année, si on perd près de 80 milliards de dollars, c'est de l'argent que les gouvernements africains doivent trouver par le biais de la fiscalité, à travers des taxes régressives.
La ZLECAF, un catalyseur de développement
La troisième dimension qui a été débattue en Ouganda est la Zone de libre-échange continentale africaine, à laquelle tous les États membres de l'Union africaine ont adhéré et qui est mise en œuvre progressivement dans différents États membres pour faciliter le commerce à travers le continent. Monsieur Braganza reconnait qu’il y a des problèmes initiaux, mais qu’il y a encore des opportunités pour que la Zone de libre-échange continentale africaine agisse comme un catalyseur de développement et d'augmentation du commerce et du mouvement de biens et de services à travers le continent.
Avant de conclure, glisse M. Jason, un autre aspect majeur qui est ressorti des discussions de Kampala qui est le détournement de ressources des investissements publics, qu'il s'agisse de services publics, de services sociaux ou de la création d'incitations pour que les entreprises locales prospèrent vers le service de la dette. Et, les gouvernements africains doivent réfléchir de manière critique à l'impact de la crise de la dette sur le continent-non seulement sur la capacité à développer et à faire croître nos économies, mais aussi sur la création d'une structure d'incitations adéquate pour que les entreprises et industries locales émergent et stimulent la croissance, le développement, la création d'emplois et la richesse pour nous en tant que continent et en tant que peuple.
Notons que la quatrième conférence sur le financement du développement se déroulera vers la fin de cette année en Espagne.